Édition n°10 — ArcelorMittal accusé de greenwashing par plusieurs ONG
Fabricant de la torche olympique, ArcelorMittal fait face à une polémique environnementale. Un cas qui démontre que l’exposition massive offerte par les JO cache des risques pour les sponsors.
Bonjour à toutes et à tous,
Après avoir initialement annoncé les premiers Jeux “neutres en carbone”, le Comité d’Organisation a fait marche-arrière.
On sait depuis un certain temps qu’il sera impossible pour Paris 2024 d’atteindre la neutralité carbone.
Ce serait du greenwashing de prétendre le contraire et c’est pourquoi le COJOP a adapté son discours sur le sujet. On vise désormais une empreinte carbone divisée par deux par rapport aux éditions précédentes.
Cependant, l’un des sponsors officiels des JO fait face à une polémique de greenwashing depuis plusieurs semaines. C’est le cas d’ArcelorMittal. 🏭
Quelle est l’origine de cette crise ? Pourquoi soulève-t-elle des questions plus larges sur le sponsoring ? Quelles conséquences pour ArcelorMittal et les JO ? C’est ce que nous allons voir dans cette édition.
Avant tout, place aux statistiques de la semaine dernière. ⤵️
LES STATS DE LA SEMAINE 22
1 900 publications mentionnent les sponsors sur des sujets en lien avec les Jeux, soit une baisse de 8,4% par rapport à la semaine précédente.
1 200 auteurs uniques ont parlé des partenaires des JOP (-9,3%).
Le partenaire le plus cité est Orange avec 272 mentions en 7 jours, soit une part de voix de 13,4%.
Enfin, c’est (de loin) BPCE qui a obtenu le plus d'engagement avec plus de 611 000 interactions, grâce à une collaboration avec le créateur de contenu @tuvok12. Visa se classe en deuxième position avec 142 400 interactions, les autres sponsors sont décrochés.
À LA UNE – ARCELORMITTAL ACCUSÉ DE GREENWASHING PAR PLUSIEURS ONG
Partenaire des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, le géant de la sidérurgie ArcelorMittal est chargé de la fabrication de plusieurs symboles indispensables : les torches et chaudrons, utilisés pour le relais de la flamme olympique depuis quelques semaines, mais aussi les grands anneaux olympiques et agitos paralympiques en métal qui seront installés dans la ville hôte.
Les JO, une vitrine inédite pour ArcelorMittal
Dans mon interview avec Stratégies publiée en avril, j’avais cité ArcelorMittal comme un exemple d’une entreprise peu connue du grand public mais qui parvient à capitaliser sur son savoir-faire pour être visible grâce aux JO. Je faisais notamment référence à l’opération de communication réussie autour de la fabrication de la torche olympique.
Une torche “design” et “durable”
Les messages relayés dans les médias au moment de cette annonce étaient en effet plus que positifs : on apprenait alors qu’il s’agissait d’une torche olympique spéciale fabriquée en acier bas-carbone recyclé, dans la Loire et en Moselle – une actualité relayée par de nombreux médias nationaux (BFM TV, Le Monde…) et régionaux (Le Républicain Lorrain, Moselle TV, France Bleu, France 3…) au moment de l’annonce.
“Pour la fabrication de l’objet design le plus vu de la planète, économie de matières et durabilité sont à l’honneur. A l’instar de la torche de Tokyo, l’emblème de la XXXIIIe olympiade sera réalisé en métal recyclé – un acier de teinte champagne – par ArcelorMittal, dans trois des unités que possède le géant sidérurgiste en France.”
– Le Monde
Plus encore, ce contrat avec Paris 2024 aurait même permis de relancer le site de production de Floranges d’ArcelorMittal, en difficultés depuis plus d’une décennie. 🧑🏭
ArcelorMittal, un délinquant environnemental ?
Comment l’entreprise s’est-elle alors retrouvée en situation de crise ? 😧
Le 6 mai dernier, à quelques jours de l’arrivée de la flamme olympique en France, Disclose a publié une grande enquête sur ArcelorMittal :
“Pollutions illégales, pillage de l’eau potable, déforestation… En France et à l’étranger, la méthode du géant de l’acier ArcelorMittal, partenaire des Jeux olympiques de Paris, s’apparente à celle d’un délinquant environnemental multirécidiviste, révèlent des documents obtenus par Disclose et un récent rapport d’une coalition d’ONG.”
– Disclose
Dans cette enquête, le média d’investigation pointe de nombreux manquements et délits de l’industriel en matière environnementale, en France et à l’international. Sont notamment évoqués…
Le pillage d’eau potable à Dunkerque
Des promesses non tenues en termes de pollution et de sécurité des salariés dans l’usine de Fos-sur-Mer
Des terres cultivées transformées en dépotoirs au Liberia
Une amende de 205 000 euros en Afrique du Sud pour des rejets excessifs de sulfure d’hydrogène
Une autre amende de 30 000 euros au Mexique pour avoir déboisé une parcelle de forêt dans une zone classée par l’Unesco afin d’agrandir une usine
Autant d’accusations qui contrastent avec la communication très positive d’ArcelorMittal dans le cadre de son partenariat avec les Jeux.
Des manifestations dans plusieurs villes de France
Première conséquence de ces révélations : plusieurs associations locales ont appelé à des manifestations contre ArcelorMittal lors du passage du relais de la flamme, notamment à Marseille, à Toulouse et au Mont-Saint-Michel.
Les manifestants, regroupés derrière une coalition d’ONG dont OXFAM, Greenpeace, Attac, Stop Total, SteelWatch ou encore Reclaim Finance, veulent ainsi montrer “la face cachée de la flamme olympique”.
Au-delà de leur présence dans la rue lors du passage de la flamme, elles sont également très actives sur les réseaux sociaux.
Un impact considérable sur l’e-réputation
Ce qui nous amène à la deuxième conséquence de cette mobilisation : une exposition massive et très négative d’ArcelorMittal sur le web, notamment sur les réseaux sociaux.
En chiffres, c’est +1 200% de résultats, +761% d’interactions et +821% de reach potentiel au cours du la semaine du 6 mai, par rapport à la semaine précédente.
Près de 56% des mentions sont négatives. Elles proviennent principalement d’utilisateurs particuliers, d’ONG mais aussi de grands médias comme Le Figaro ou France 24.
La question du sportwashing
Troisième conséquence : le cas d’ArcelorMittal met le doigt sur une question plus globale.
Comment lutter contre le sportwashing, ce procédé par lequel une entreprise, un pays, une collectivité ou une organisation utilise le sport comme moyen d’améliorer sa réputation, dans le cadre d’événements majeurs comme les Jeux Olympiques et Paralympiques ?
Spoiler : les experts s’accordent à dire que tant que le format de ces événements n’évoluera pas vers des compétitions plus petites, plus locales, voire réparties entre plusieurs pays, il sera difficile de les rendre réellement respectueux de l’environnement.
“Trois actions notamment sont régulièrement mises en exergue :
Réduire considérablement la taille de l’événement ;
Alterner les Jeux entre les mêmes villes ;
Mettre en place des normes de durabilité indépendantes.”
Cette ambiguïté environnementale de la part des organisateurs laisse la porte ouverte au greenwashing. Si le COJOP n’est pas engagé dans une démarche réellement responsable, pourquoi les partenaires le seraient-ils ?
“Une véritable transformation pour rendre les Jeux compatibles avec un monde à 1,5 °C nécessite de repenser l’ensemble du modèle olympique.”
Aligner les valeurs olympiques et les pratiques des partenaires
Alors que la plupart des révélations faites par Disclose ne sont pas toutes fraîches (lire L’Humanité, BFM TV ou Libération), c’est en confrontant les valeurs sportives et engagements durables prônés par ArcelorMittal à cette image de “délinquant environnemental” que le greenwashing devient particulièrement tangible.
“Flamme qui brille, promesses qui brûlent” 🔥, scandaient les manifestants dans les rues de Toulouse… La crise ArcelorMittal illustre mieux que jamais le défi des organisateurs des JO pour aligner les valeurs olympiques avec les pratiques des partenaires.
OVERTIME
Le développement durable est un enjeu essentiel pour Paris 2024. Mais ce n'est pas le seul challenge que les Jeux Olympiques et Paralympiques doivent relever.
La mobilité, les infrastructures, l’attractivité de la France… L’Institut Montaigne a identifié les 10 principaux enjeux des JO 2024. 1️⃣0️⃣
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Rendez-vous la semaine prochaine pour l’édition n°11. Au programme – Deloitte, partenaire majeur, communication mineure.
A très vite,
Samuel